Les essais de Monique VAAS alias Maudrée
Illustration Monique VAAS

Prose - Poésie - Illustration



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MES SONGES SONT ISSUS / TISSUS…

LA MELANCOLIE ET SES "PENSEES"...

CERTAINES MOUSSES... TACHENT

DE L'UTILITE DE L'EPOUVANTAIL ?

 

Mes songes sont issus / tissus

J'ai toujours entretenu avec les TISSUS des rapports très privilégiés, me laissant non seulement séduire par les réalisations qu'ils rendaient possibles, et ce, depuis ma tendre enfance, mais encore appréciant ces étoffes "sur pièce", au toucher, pour leurs coloris, leur "consistance", voire leur odeur ! Avant même que n'ait germé chez la jeune coquette que j'étais alors la moindre idée du vêtement unique qui allait naître, grâce à cette incroyable matière première, je rendais hommage à l'habileté de la couturière, magicienne sans laquelle aucune éventualité de se glisser dans une parure de rêve n'eut été envisageable, ne l'oublions pas !

Certes, je me "drapais" bien souvent dans quelques mètres soigneusement déroulés de ces pièces d'étoffes, afin d'avoir un vague aperçu, une première idée de leur "pouvoir de séduction": douceur de la matière, harmonie de la nuance choisie avec l'épiderme, "tombé" satisfaisant, etc… Et ce plaisant exercice suffisait souvent à me décider à construire mon projet, donnant très vite les premières instructions pour qu'il soit mis en œuvre. Je stipulais qu'il ne s'agissait que d'une ébauche et, qu'en conséquence, une ampleur suffisante devait être laissée au tissu pour de multiples ajustements ou des ajouts, des retouches, lors des essayages ! Tant de surprises pouvaient être révélées, au fur et à mesure que ces délicats travaux féminins progressaient !

Ah, la parure vestimentaire, quel sujet d'inspiration ! Mon engouement pour les tissus n'a jamais faibli, pas plus que ne s'est atténuée la séduction qu'ils ont toujours exercée sur moi, à tel point que j'associe des manifestations climatiques, des épidermes délicats, des pétales de fleurs, etc… à certaines caractéristiques d'étoffes et, pour tenter d'en rendre compte, j'avais composé un poème intitulé à dessein "TISSUS et SONGES" qui débutait ainsi :

"Mes songes sont issus de maintes provenances :
"Chaîne de souvenirs ou de comparaisons ?
"Des fibres au grand cœur liguent leurs alternances
"Et la Magie y "trame" une œuvre des saisons !"…

Puis, je saluais la Normandie qui fut mon berceau, en ces termes :
"En Normandie, aux vents, flottent les draps de LIN / l'un…
"L'autre point n'en possède : un trousseau s'effiloche !
"Je sais des "lits de mousse" où le galant, malin,
"Prend le ciel pour alcôve : à l'étoile, il s'accroche !"

A propos de LIN, cette plante aux fibres textiles est cultivée dans nos champs et se pare de délicates fleurs bleues, sous un ciel tourmenté où le bleu, précisément, a quelquefois de la peine à dominer, mais les zones nuageuses sont tellement inspirées dans leurs formes et leurs diversités de gris que les Normands n'ont jamais songé à s'en plaindre !J'ai souvent apprécié la finesse et le toucher des tissus de LIN, par ailleurs, susceptibles… car se "froissant" facilement, mais la fraîcheur s'en dégageant associée à d'autres qualités compensait largement ce petit défaut !
Je me souviens avoir brodé deux draps de LIN pour ma petite fille : l'un était bleu et l'autre blanc et les fils de ces pièces de tissu se prêtaient parfaitement (chaîne et trame) aux travaux d'aiguilles et aux motifs ornementaux. J'avais donc dessiné, puis recouvert de fils de couleurs fraîches et variées, deux frises décoratives dont l'une était constituée de petits canards respirant des pâquerettes et recouverts de pétales de boutons d'or voltigeant ! L'autre représentait une famille de chatons s'amusant au bord d'un étang à pourchasser des libellules bleutées ! L'enfant aux grands yeux verts qui contemplait ces scènes semblait beaucoup les apprécier et tentait dans son langage de communiquer avec ces petits animaux qu'elle touchait en riant aux éclats !
Toujours à propos des prairies normandes, mon poème contenait ces vers :
"S'il convient d'évoquer, des prés, l'herbe normande,
"Si fraîche en est l'odeur qu'elle avive le teint !
"Ces "tapis de verdure", à ma simple demande,
"S'égaient de boutons d'or, en habit de SATIN !"

Costume chatoyant, s'il en est, pour ces petites renoncules !
Quel plaisir j'ai pu prendre à analyser les multiples espèces d'humbles petites fleurs des champs, moins rutilantes que ne l'était ce bouton d'or, mais n'en constituant pas moins une parure pour ces vastes étendues, qu'il s'agisse du pissenlit au "teint" plus pâle ou des trèfles mauves arrondis ! Et puis, tout en sautant parmi les plantes et les verdures, qu'elles soient ou non fleuries, je débusquais une multitude de sauterelles dont la vivacité m'étonnait toujours, leur "tenue de camouflage" les dissimulant parmi cet ensemble odorant d'herbes, sages ou folles !

Les Paysannes que je côtoyais dans le bourg où nous résidions portaient souvent des "caracos de SATIN" noir, ajustés, couvrant largement les bras et le cou et ornés de dentelles et d'une succession de charmants boutons de jais ! La triste "fermeture éclair" n'avait pas encore fait valoir ses prétentions à remplacer des éléments si décoratifs, quand bien même ils exigeaient une certaine patience pour assumer leur tâche et fermer pudiquement ces corsages qu'ils enjolivaient !

A l'époque où je courais follement dans les prairies normandes, j'étais souvent vêtue d'une blouse d'écolière, en "VICHY", ce tissu de coton à carreaux, aux couleurs toujours harmonieuses. Ma chère maman était une couturière habile et c'était elle qui m'avait maintes fois confectionné ce vêtement pour aller étudier. Bien sûr, elle recommandait d'en prendre soin, mais la hâte de me retrouver dans la nature, cheveux au vent, m'incitait à oublier ses sages conseils. C'est ainsi, qu'au moment de franchir une clôture en fils de fer barbelés, je me suis souvent exposée à faire de larges accrocs dans la blouse que, précipitamment, je n'avais pas quittée !

Enfants, nous ne partions jamais faire une course ou nous récréer sans le secours d'un ou deux mouchoirs en poche… et les miens étaient en PERCALE, cette toile aussi fine que douce, constamment sollicitée pour ses qualités, et non pour essuyer un nez ou deux yeux humides ! Ce délicat tissu était recherché et très souvent employé pour l'élaboration des linges de corps des bébés : brassières, bavoirs charmants aux formes originales auxquels étaient alors adjointes des broderies et de fines dentelles bordant les poignets et les terminaisons ! J'ai fait moi-même ces pièces vestimentaires et ne manquais pas de parachever mon œuvre en ajoutant quelques minuscules boutons de nacre qui devaient se lover dans une petite "portelette" (ainsi la nommait-on) minutieusement cousue (à l'aide de fil naturel, pas encore de polyester !).

Les réunions familiales, les festivités étaient souvent l'occasion, le prétexte à ce que chaque invitée se pare de ses plus beaux atours !
Dans ces manifestations, il est une étoffe précieuse qui paradait et me fascinait par le bruit qu'elle émettait lors des déplacements de l'élégante qui s'en était vêtue. Je veux parler ici du TAFFETAS et de la robe somptueuse, de couleur parme, qu'arborait une tante distinguée (naturellement et, en conséquence, partout où elle se promenait !). Sa taille était fine et sa démarche élégante et j'étais en admiration lorsque, par une belle journée estivale, elle déambulait dans les allées de la propriété de mes parents, sous les pommiers, tenant "haut" l'ombrelle, également en Taffetas, rehaussée de dentelle noire en Chantilly, un inoubliable long sac en perles croché à son bras gauche et ondulant à plaisir sur le magnifique vêtement qu'elle portait : un spectacle digne d'un somptueux défilé de mode "à l'ancienne"! Ma sensibilité prenait une leçon, mes goûts se "structuraient" tant la beauté, le raffinement et la grâce étaient ici nonchalamment présents !
L'un de mes quatrains n'a retenu que… l'ombrelle :

L'éclairage estival, intense, a, sur les yeux,
De dangereux effets : paupière palpita…
Pour y porter remède, octroyons à ces lieux
Le secours d'une ombrelle, en léger taffetas !

Mais, à propos de parallèles, la plus émouvante illustration qu'il me plaise de relater à présent concerne le VELOURS : j'en apprécie particulièrement la somptuosité, la douceur, mais, avant d'évoquer le plaisir éprouvé à m'en parer, je dois confier que j'associe ce mot, "velours", au regard de mon cher père. En effet, la beauté touchante de ses grands yeux d'un brun-vert sans égal, pétillants de bonté et de malice, enveloppait l'enfant que j'étais d'un tissu de tendresse dont les effets me demeurent perceptibles ! Je n'ai jamais possédé ni senti sur mes épaules ou sur mon visage caresse plus douce, plus délicieusement consolante !
La toilette que je possédais était une robe longue en velours "vert émeraude" et j'imagine une fraîche demoiselle ainsi vêtue, aux cheveux blonds, au teint de rose et aux yeux candides, verts eux aussi, descendant élégamment les marches d'un escalier… Son géniteur l'attend au bas des marches, il lui tend les bras, mais ce sont finalement les doux yeux de velours, immensément ouverts et à jamais, de ce père aimant qui vont attirer, "absorber" littéralement la fillette éperdue et sa toilette… issue d'une même "pièce"créatrice puisqu'elle semblait en être l'émanation quasi-miraculeuse ! N'était-ce pas un suprême refuge qu'un tel regard velouté dont les effets miraculeusement perdurent !

En Normandie, il était fréquent d'être délicatement enveloppé/e par une brume très particulière, fine et nimbant les paysages à la manière qui fut choisie un jour par les peintres impressionnistes. Le mystère et l'imprécision étaient inhérents à ces délicats brouillards et, lorsqu'ils se déployaient sur la campagne, ils m'évoquaient de longs rideaux de TULLE flottant sur nos prairies. Me promenant souvent le long de sinueux ruisseaux bordés de peupliers et de saules, ces voiles conféraient à ma contemplation un charme sans égal où l'imagination et la rêverie associées semblaient invitées à se perdre délicieusement !

Lorsque la saison moins clémente qui succède à l'automne imposait ses exigences, les pluies glaciales fréquentes contraignaient à "se mettre à couvert"! Dans les logis, les modes de chauffage, s'ils ne manquaient pas de charme, étaient d'une efficacité toute relative ! En effet, les "feux de bois dans la cheminée" ne réchauffaient un corps grelottant qu'après une longue attente… et une inévitable proximité de la source chauffante par rapport à la personne transie ! Ainsi, les pieds et les jambes étaient souvent les premiers bénéficiaires et les seuls à cesser d'avoir froid ! Mais, pour affronter les températures hivernales, les manteaux n'avaient pas renoncé pour autant à la coquetterie et je garde la mémoire de certaine redingote grenat, de RATINE (étoffe de laine au poil frisé), du plus bel effet, d'autant qu'elle était ornée au col, aux manches et aux poches, de parements de velours d'un ton plus foncé contrastant délicatement ! Couvrir mes épaules d'une cape de fourrure ou d'un châle épais, tant le froid était vif, aurait été souhaitable, mais je ne me résignais pas à adjoindre à cet élégant manteau le moindre accessoire qui en aurait masqué les détails, voire l'aspect général !
Par contre, je ne dédaignais pas de me coiffer d'un chapeau de feutre, dit "taupé" dont l'épaisseur et la douceur de la texture étaient un motif largement suffisant pour fixer sur lui mon choix !

De nombreuses appellations de tissus sont tombées en désuétude, d'autant que les fibres nobles et naturelles qui les composaient ont été remplacées, hélas, par le "synthétique" envahissant (polyester, acétate, etc.), malgré ses innombrables défauts ! Ces utilisateurs arguent du fait qu'il est peu coûteux, qu'il "s'entretient" aisément, sans repassage, etc… etc… mais il n'aura jamais mes faveurs, ni le charme, la tenue, la douceur qui constituaient quelques-unes des innombrables qualités des étoffes auxquelles je demeure attachée, qu'elles soient ou non reléguées au rang des antiques !

Je suis vêtue aujourd'hui d'une robe rousse en SERGE (fine étoffe de laine), et d'un châle de CACHEMIRE, pour pallier la fraîcheur d'une matinée dont la température est plus automnale qu'estivale (11 septembre le justifiant). J'en termine avec ces évocations "coquettes", mais non sans vous offrir un dernier couplet poétique évocateur d'une saison où la LAINE devrait s'imposer, tant elle est secourable :

"Aux abords de l'hiver, ne perdez pas l'haleine…/la LAINE,
"Reprenez votre souffle et, vite, tricotez !
"Cultivez la "chaleur", prévoyante et sereine :
"N'ayez maille à partir… et, pour la joie, optez !".

Mes songes sont issus… TISSUS de bonheurs indomptés
Et j'en vêts le présent, pour ne pas les froisser !

                                                                                                                                  Monique VAAS

Tous droits réservés - Monique VAAS - 2005

La Mélancolie et ses "pensées"...

 

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Par un soir étrange, particulièrement empreint de réminiscences indomptables, Dame Mélancolie avait résolu de quitter son palais où l'assaillaient des "pensées" douloureuses et malveillantes…

Ces fleurs singulières, après s'être présentées "en bouquet", démontraient qu'elles n'avaient aucune intention d'égayer leur hôtesse et, moins encore, d'être reléguées au rang d'accessoires décoratifs ! Quant à être trempées dans l'eau d'un vase, c'eut été faire abstraction d'une sécheresse de cœur dont elles s'enorgueillissaient quelquefois et elles préféraient se resourcer elles-mêmes, de toute autre manière !

Manifestement, ces pensées souhaitaient se comporter telles de mauvaises herbes, aux velléités d'empoisonneuses et, dès lors, plus rien n'était charmant de ce qui émanait d'elles, leurs coloris, comme leurs humeurs étant, hélas, désespérément sombres ! Toutefois, ce tableau peu engageant n'avait pour figurantes, parmi des pensées qui - toutes - étaient fictives, que celles révoltées et logeant d'ordinaire ailleurs qu'en parterres ou dans des jardinières ! En effet, ces pensées, telles des petits soldats belliqueux, avaient coutume de "monter au front" où elles résidaient et évoluaient en permanence, côtoyant rarement la sérénité, ce dont leur naturel combatif s'accommodait fort bien…

Pourtant, elles n'étaient pas nées spécialement pour ces agitations et le cerveau géniteur dont elles émanaient ne les privait pas de ses soins, pas plus qu'il n'était responsable de leurs humeurs querelleuses ! Elles n'étaient pas davantage dépourvues d'odeurs, une pléthore de sentiments et d'émotions, dont le raffinement valait bien d'autres fragrances, leur en tenant lieu !

Mais Dame Mélancolie, alors que des voiles crépusculaires descendaient doucement sur son palais et les jardins l'environnant, avait éprouvé le besoin de se promener au sein de la Nature. Elle savait y puiser un apaisement qui la fuyait et, s'étant penchée vers des vasques fleuries, elle se grisait de l'odeur d'autres pensées, bien réelles celles-là, dont elle devinait
les charmants coloris plus qu'elle ne les voyait réellement, le soir tombant. Elle en caressait les pétales veloutés et s'entretenait avec elles… puisqu'elle pratiquait aisément le "langage des fleurs" et qu'il n'avait aucun secret pour elle !

Les tracés et les allées du parc demeuraient suffisamment distincts pour prolonger une délicieuse promenade, en cette soirée d'automne où le vent frais et léger lui promettait un effet bénéfique sur une fièvre inexpliquée qui s'était emparée de son esprit ! Cependant, elle n'était pas loin d'estimer qu'il se devait d'être toujours vainqueur, cet esprit, triomphant des préoccupations et des tracasseries souvent insipides qui s'ingéniaient à encombrer ces hauts-lieux de réflexion et de méditation ! Ce qui ne manquait pas de la ramener vers de tumultueuses pensées dont elle était souvent impuissante à dominer les caprices… Pourtant, au gré de leurs humeurs, elles déployaient parfois tant de charme, n'était-ce alors que pour faire oublier toute méfiance à leur égard et être accueillies dans un élan joyeux, quitte à devoir le réprimer très vite, lorsque leurs brusques changements d'attitudes l'exigeait...

Leur hôtesse ne l'ignorait pas, elles pouvaient être très dangereuses et produire, tel un insidieux poison, un effet destructeur dont elle avait tout récemment ressenti les premières atteintes ! Pourtant, dame Mélancolie était d'une telle délicatesse, d'une sensibilité si vive, qu'elle était fort accoutumée aux états d'âme d'une gestion difficile, ce qui ne l'empêchait nullement d'être parfois mal à l'aise lorsque ces fleurs qu'elle hébergeait généreusement se déchaînaient ! Mais, puisqu'elle était douée de certains pouvoirs, elle résolut de se livrer à un exercice spécial, anormal car il relevait de l'usage de ses capacités exceptionnelles, l'assortissant d'un zeste de magie… Elle parviendrait ainsi à dompter les indociles et à recouvrer cette sensation de bien-être souverain qu'elle estimait mériter et qui, de toute manière, s'avérait nécessaire à sa sérénité.

Bien sûr, une grande concentration était requise, mais l'atmosphère dont ses jardins étaient empreints devait pouvoir assurer le succès de la cérémonie qui allait avoir lieu. Aussi, dame Mélancolie, après avoir remercié les fleurs de leur aide bienveillante, cueillit deux pensées de chaque sorte et de chaque nuance ornant les vasques. Elle les aspergea de quelques gouttes d'eau pure de la cascade sise en ces lieux d'agrément et, s'asseyant sur le plus proche banc de marbre, elle entreprit de les tresser en couronne, ses doigts de magicienne y excellant, et ce, sans blesser le moindre pétale !

Elle avait conservé toutes les feuilles et de longues tiges ! Lorsqu'elle eut achevé de réaliser sa précieuse couronne et après avoir baigné son front brûlant à la même source rafraîchissante, elle la déposa doucement sur sa tête, aussi longtemps qu'il était nécessaire pour que le parfum des fleurs se mêle à celui de son visage et puisse imprégner ses cheveux ! Elle s'agenouilla ensuite, portant ses mains aux tempes et elle murmura une longue prière inaudible, en un langage mystérieux, compréhensible d'elle seule et des "forces naturelles" avec lesquelles elle entrait en contact…

Que venait-elle de demander si ardemment ? Sans doute avait-elle imploré que ces fraîches pensées sacrifiées se substituent à celles, brûlantes et destructrices, qui logeaient sous son front bienveillant car, lorsqu'elle se releva lentement, gracieuse et recueillie, un sourire radieux découvrait la blancheur de ses dents… Malgré la tombée d'un crépuscule apaisant, la nacre éblouissante de ce sourire séduisant demeurait parfaitement visible, mais, par contre et comme par miracle, plus aucune trace de couronne fleurie n'était apparente, ni sur le visage de la gracieuse magicienne, ni sur le gazon où elle aurait dû choir ! Telle une reine, Dame Mélancolie triomphait des maléfices et de certains "mauvais sujets" figurés par ses pensées belliqueuses !

                                                                                                                                  Monique VAAS

Tous droits réservés - Monique VAAS - 2005

Certaines mousses... tachent


Certaines mousses excellent à napper, soit une bière ("Guiness", par exemple), un cidre normand, une "Clairette de Dié" ou même quelque champagne, roi des "mousseux" et y tremper les lèvres peut déjà constituer les prémices d'une légère ébriété… En de telles circonstances, il semble en effet que la mousse… tâche de rendre encore plus attractive la source de plaisir qu'elle dissimule ! De plus, cette incitation à l'euphorie présente d'indéniables séductions et avantages, car, s'agissant de rosés ou de blancs prestigieux, leur simple évocation a déjà le don d'assoiffer… Quant à la pléthore des mousseux évoqués, si festifs et parents des grands champagnes réputés, quelles délicieuses griseries ces dégustations ne sont-elles pas capables de provoquer, et ce, même sans mousse !

Mais, fi des suggestions, puisque, ici, il s'agit bel et bien de faits réels ! Etait-ce cette récente émission télévisée si poignante mettant en scène les viticulteurs et leurs difficultés d'existence qui était responsable, ayant agi tel un facteur déclenchant et déterminant ? A moins que cet impérieux besoin de consommer n'ait été provoqué par d'inexplicables peines de cœur printanières et déstabilisantes qui l'avaient soudain sournoisement submergée ? Toujours est-il que, légèrement "éméchée"et les lèvres encore bordées d'une mousse révélatrice du péché de gourmandise auquel elle venait de céder, la charmante Maryse était magistralement étendue sur son canapé, telle une épicurienne surprise en flagrant délit de dégustation !

Malgré l'extrême confort de l'appartement cossu où se tenait cette femme, au demeurant ravissante et "au mieux de ses formes parfaitement galbées", un désordre extrême régnait qui témoignait d'une crise… ou d'un moment de vive "déprime" auxquels un remède semblait avoir été trouvé et appliqué ! Deux bouteilles, vides de leur contenu (mais avaient-elles jamais été pleines ?) "baillaient" à présent, privées d'attrait, sur un plateau posé près de la table du salon et plusieurs verres à vins et coupes à champagne (en cristal gravé, s'il vous plaît !) laissaient place à l'imagination pour un scénario supposé : un invité était-il attendu ou ces verres avaient-ils été prévus pour une seule personne voulant se donner l'illusion de "trinquer" à des joies partagées !

Apparemment, des vêtements avaient été jetés sans précaution sur les fauteuils capitonnés où se trouvait également un sac à main et une paire de souliers à hauts talons, très élégants. L'hôtesse avait pourtant pris le temps de revêtir une séduisante robe longue, en soie verte vaporeuse qui militait en faveur d'un rendez-vous espéré… Après l'écoute d'une symphonie de Mozart dont les dernières mesures avaient encore alangui l'auditrice aux yeux d'un vert empreint de nostalgie, le "duo des chats" de Rossini emplissait à présent de ses sonorités discordantes le salon où flottait un séduisant parfum féminin ! Les nombreux "mi..aou… mi a… mi..a… ou" de ce chant original suffisaient à suggérer au moins deux paires de fines moustaches frétillantes !

Soudain, un rire cristallin se fit entendre et, tel un exutoire, la dame entreprit de parler à haute voix, tout en caressant la tête d'un splendide chat persan : "que dis-tu de ces miaulements extravagants, mon fidèle minou ? Ce ne sont que de fausses chattes qui s'égosillent ! Toi, tu n'as pas bu et pourtant, tout comme moi, tu possèdes des "moustaches", mais les tiennes sont une parure bien réelle, alors que moi, vois-tu, avec cette mousse, j'ai taché ma robe, à cause de la bière effervescente que j'ai eu grand tort de boire en arrivant ! Ah! "mousse tache", je le saurai maintenant ; heureusement, le champagne que je bois en ta présence ne sera pas répandu, si ce n'est dans mon gosier… j'ai si soif, mon joli chaton et je vais lever ma coupe à ta santé, puisqu'il n'est pas venu, cet amant avec lequel je devais passer la soirée ! C'est sa faute, n'est-ce pas, si je n'ai pas été raisonnable ?

Anormalement volubiles, les propos traduisaient une souffrance mal maîtrisée. Le petit compagnon félin aux poils soyeux s'avérait être le confident indispensable : "dis-moi, minou, à propos de moustaches, viens un peu dans mes bras jusqu'au tableau où s'est représenté en autoportrait le grand peintre dont j'apprécie les excentricités, Maître Salvator Dali ! Tu ne vas tout de même pas comparer tes moustaches aux siennes qui sont infiniment plus fournies et plus frisées ! O, tu miaules et tu n'es pas content, mais je te préfère ainsi, puisque lui, il appartient à la race des hommes par lesquels, ce soir, je suis blessée ! Ne sois pas jaloux : il n'occupe que le mur du salon, alors que, toi, tu es dans mes bras !

Si nous trinquions tous deux, mon charmant minou, aux moustachus, aux mousses tachantes et surtout, à celles grisantes qui dissimulent un savoureux liquide dont je suis si friande, qu'il soit à base de raisins, de houblons ou même, de pommes ! En fait, puisque de mousse il est question, je vais aller me "couler un bain" qui en débordera, afin d'y plonger toute entière… Et, lorsque j'aurai décidé d'en émerger, sais-tu ce que je ferai, mon chaton ? Je viens de m'apercevoir qu'il existe de nombreuses "mousses" que j'apprécie énormément : aussi, pour mettre quelques denrées "solides" dans mon estomac, je vais préparer de savoureux toasts "à la mousse de foie gras du Périgord", et puis, l'heure étant déjà tardive, j'en terminerai par l'une des "mousses au chocolat" qui n'en finissent plus de se rafraîchir dans le frigidaire…

Ô, il y a encore une espèce de "mousse" qui alimente souvent mes rêves et qui serait la bienvenue ce soir ! C'est celle dont les sous-bois sont tapissés et, tu as vu, Minou, le velours de notre canapé est de la même nuance naturelle ! N'est-ce pas suggestif et tentant, même si l'odeur n'est pas aussi grisante… qu'importe, puisque je le suis "grisée" de toute façon, va savoir pourquoi !

Et, se laissant doucement choir sur toute cette verdure supposée, l'amante délaissée murmura encore, avant de sombrer dans les bras de Morphée (à défaut !) : "après tout, s'il était venu, avec les embarras dont il est coutumier, il n'aurait pas manqué de se faire "mousser" et je ne suis pas sure que sa prestation m'aurait "grisée".! C'est alors que la coupe de champagne tomba délicatement, sans se briser, sur l'épaisse moquette… verte, semblait-il, par mimétisme, sans doute, en tout cas sans bruit, comme il sied pour une scène intimiste vouée à la discrétion !

                                                                                                                                  Monique VAAS

Tous droits réservés - Monique VAAS - 2005

 

De l'utilité de l'épouvantail ?

 

Du mannequin empaillé, costumé selon la fantaisie et l'imagination dont les paysans sont loin d'être dépourvus, à d'autres formes d'épouvantail, moins élaborées, mais tout aussi dissuasives, les moyens n'ont jamais manqué qui visent à protéger les légumes et les fruits des agressions d'oiseaux en quête constante de nourriture ! C'est ainsi que j'ai particulièrement apprécié, dans le potager familial, certains dispositifs d'aluminium "accordéonnés", mobiles et ultralégers qui brillaient au soleil printanier et retentissaient à mes oreilles de leurs sonorités métalliques. Le vent de Normandie - qui n'épargnait pas son souffle - participait largement à l'effet produit par ces petits dispositifs dont l'efficacité était incontestable, aux dires du jardinier !

Les trois cerisiers dont il était si fier en étaient abondamment pourvus, fort heureusement, car les fruits délicieux que produisaient ces arbres étaient l'objet de toutes les convoitises : pensez donc, des "Montmorency", un vrai régal pour la gent ailée, ainsi qu'en attestaient d'innombrables noyaux rejetés... et gisant sur le sol ! Ces pillages répétés faisaient planer une réelle menace sur d'éventuelles préparations de clafoutis... Quant à la "cerise sur le gâteau", tant prisée et récurrente, tout en considérant combien saisonnière elle pouvait être, cette expression quelque peu galvaudée risquait de n'être bientôt plus que... fictive, au train où progressaient les disparitions !

Adossés aux murs du jardin, d'autres arbustes fruitiers, dits "en espalier", nourrissaient la même inquiétude et n'avaient pas manqué de tendre pathétiquement leurs bras frêles, lors de la distribution des bruyantes petites protections. A leur tour, elles voulaient en recevoir une quantité apte à préserver leurs jeunes fruits. Pour se consoler, les vigoureux poiriers pensaient que, en cas de désastre, cette société dont ils entendaient si souvent parler allait continuer longtemps à produire une espèce de "bonnes poires" dont la qualité, cependant, semblait davantage prêter à rire qu'elle n'était avérée... Allez donc savoir pourquoi ? Décidément, le monde des consommateurs s'ingéniait à créer des mystères qui ne perdaient rien à demeurer insondables !

Cependant, d'autres fruits étaient à plaindre davantage : les fraises, par exemple, lesquelles, incapables de prendre la moindre altitude et rouges de confusion, demeuraient "plaquées au sol", en grand péril... Non seulement les oiseaux avaient repéré leur frimousse aguichante, mais d'autres bestioles prédatrices, rampantes celles-là, les convoitaient également !

Et que pouvaient bien vouloir ces vieilles dames qui leur rendaient visite, au "soir de leur vie", agitant ostensiblement un insolite objet en cristal appelé sucrier?... Une légère pluie s'en échappait (même lorsque le ciel demeurait clément !) et, la substance ainsi saupoudrée les blanchissait et les alourdissait, alors que des obsessions de "coupes" et de dégustation les gagnaient ! S'il s'agissait de "petites gâteries", elles s'en seraient bien passées à ce stade de leur évolution, estimant qu'il était vraiment prématuré de "sucrer les fraises", puisque aucune maturité n'était encore envisageable !...

Parmi les familles des "légumineuses", j'avais ouï dire que certains "mange-tout" étaient pourvus d'un bon appétit et, qu'outre le fait de se nourrir des richesses du sol où ils étaient implantés, ils ne dédaignaient pas un "bol d'air" et d'autres friandises naturelles. Mais j'ignorais qu'ils pouvaient, eux-mêmes, constituer une nourriture bien tentante... justifiant qu'ils soient, à leur tour, décorés de ces petits accordéons métalliques, décidément très sollicités !

Les haricots ayant eu suffisamment d'énergie pour grimper aux claies de bois qui les étayaient n'étaient pas moins inquiets pour le devenir de leurs cosses et pour la gestation des fèves qu'elles recelaient. Tant et si bien que ne se comptaient plus les arbres fruitiers et les légumes ayant été "appareillés", pour n'avoir pas à subir les attaques de prédateurs, rampant ou voltigeant, esthétiquement séduisants, certes, mais qui n'en étaient pas moins redoutables et déterminés et contre lesquels il était urgent de se protéger.

Par une fin de journée où le soleil s'était montré particulièrement ardent jusqu'à générer une atmosphère orageuse menaçante, je songeais au sort des plantes et des fruits logés dans mon jardin. Désireuse de leur apporter mon soutien, je pus alors assister à un phénomène étrange et demeuré inexpliqué à ce jour, mais qui privait mon intervention de la moindre originalité ! En effet, l'agitation incessante d'oiseaux formait un ballet insolite, tout autant que l'étaient leur fébrilité et leur frénétique appétit. Quand soudain, le ciel zébré d'éclairs et les rafales de vent conjugués parvinrent à arracher la quasi-totalité des charmants épouvantails métalliques de leurs supports.

C'est alors que, telle une farandole magique, regroupés, étincelants car chargés d'électricité stagnante, je les vis s'élever dans les airs, ligués et semblant pousser vers les nues des myriades de volatiles auxquelles ils faisaient résolument obstacle ! Le bruit du tonnerre masquait évidemment leur propre musique, tandis que le piaillement des oiseaux chassés était, seul, perceptible et assourdissant. Par ailleurs, une ondée salvatrice avait parachevé l'œuvre de ces petits épouvantails courageux et inspirés qui avaient agi tels des magiciens doués de pouvoirs !

J'estimais ainsi et sans complément d'analyse que, la Nature souveraine ayant pu reprendre ses droits, la maturation des "résidents" du potager allait pouvoir progresser, sans plus d'inquiétude quant à une menace imminente !

Mais la curiosité me poussant à franchir les limites du jardin potager, je marchais jusqu'aux champs voisins de graminées qui formaient la deuxième partie des zones cultivées. En ces lieux, un autre spectacle se présentait : au sein des étendues céréalières, en effet, l'épouvantail avait changé d'aspect et c'était un gigantesque mannequin d'osier, tout vêtu de chiffons qui émergeait des épis de blés, de seigles et d'avoines.

Quoiqu'il ait dû subir des éléments déchaînés et des ondées multiples, son "costume" était encore relativement présentable : il portait une tenue de garde-"champêtre" (adéquate, ô, combien ! ) dont le képi, fixé ingénieusement par des fils de fer souples, était toujours sur la tête du personnage. La veste, quelque peu délavée, demeurait significative de la fonction et conservait même fière allure, n'étaient les boutons, dorés à l'origine et plutôt rouillés aujourd'hui ! Une solide boîte aux lettres, semblable à une vaste gibecière bâillant, avait même été adjointe. M'en approchant, j'avais alors perçu une bizarre agitation "animalière"... : en effet, deux oisillons apeurés s'égosillaient, pestant après leurs parents qui n'avaient trouvé nul endroit plus approprié que ce réceptacle pour y construire un nid ! (des étourneaux sans doute, ces géniteurs : "chassez le naturel" !).

Cependant, le temps des moissons n'était pas encore arrivé et les gerbes ne pouvaient être constituées avant que n'ait été orchestré l'indispensable "ballet des faucheuses". Par anticipation, j'imaginais très bien cet événement : il se déroulerait sur un fond musical, ayant pour thème le charmant "Poète et Paysan", du compositeur inspiré, Carl von Suppé, car ainsi, ils seraient tous deux en parfaite adéquation ! Indépendamment du fait d'engranger les céréales, certaines coutumes, à présent révolues, imposaient jadis l'invasion des domaines fermiers par une multitude "d'ouvriers", joyeux et musclés, déferlant sur les champs. Armés de leurs faux et de bouteilles de bon cidre du terroir (!), ils couchaient au sol, pour un irrémédiable repos, des milliers d'herbes dorées et folles, afin que le soleil brûlant les assèche. Elles formaient ensuite, docilement, ces bottes de fourrage qui allaient devenir, dans les greniers, autant de refuges prisés de multiples animaux à la morte saison (entre autres, toute une armée de petits rongeurs frileux), en attendant de servir d'indispensable nourriture à d'autres bêtes quadrupèdes, pendant l'hiver. Les charettes et les chevaux attendaient alors patiemment que les "moissonneurs-acrobates", en équilibre précaire sur un amoncellement d'herbes odorantes, à coups de fourches efficaces, estiment le moment opportun d'engranger le produit de leurs récoltes !

Au préalable et durant de longues journées estivales, la plaine offrait le plaisant spectacle d'immenses bottes, en forme de chapeaux de paille posés au sol, dans l'attente de "coiffer" je ne sais quel crâne de géant agraire !
Mais la douceur des foins et l'odeur qui s'en dégageait sous les rayons d'un soleil ardent étaient alors prétexte à ce que les paysans et leurs compagnes, fourbus et grisés par le cidre ingurgité, s'octroient une petite sieste au flan de ces meules fourragères accueillantes. Elles tenaient lieu de lit et d'oreiller, les pailles fines chatouillant délicieusement leurs oreilles ! De telles scènes n'ont pas manqué d'émouvoir et d'inspirer des peintres : le talentueux Jean-François MILLET de l'Ecole de Fontainebleau les a souvent restituées, avec toute l'acuité qu'elles suggéraient, rendant ainsi un hommage sensible aux humbles travaux des champs et à des coutumes, obsolètes, certes, mais au charme inégalé et toujours sensible !

Pourtant, la nostalgie inhérente à ces temps n'empêche de concevoir qu'un changement de méthodes peut également apporter ses trouvailles, ses symboles et tenir lieu de support aux rêves. En période de moissons, avez-vous remarqué qu'un bouleversement esthétique s'était produit : désormais, les champs offrent aux regards des promeneurs de curieux et volumineux rouleaux de pailles compressées ! Tous semblables et uniformes, ils sont l'œuvre de machines qui ont recours à des armatures de fils de fer, pour maintenir bien serrés les monticules d'herbes amassées qui composent chaque rouleau posé au sol sur sa partie la plus mobile. Et l'imagination s'empresse de galoper, car, à l'heure vespérale où les déesses des moissons songent à se divertir, je suis persuadée que Déméter, la Grecque, et Céres, la Romaine, toutes puissantes, prennent encore plaisir à se rencontrer sur ces chaumes. Elles s'amusent, drapées dans leurs tuniques millénaires, à faire rouler ces ballots de pailles, s'aidant d'une vigoureuse et redoutable baguette magique... Elles ne manquent pas de débusquer, alors, une multitude de petits mulots fébriles logés dans ces refuges et qui s'y croyaient bien tranquilles ! Nos charmants rongeurs ignorent que ces visiteuses souveraines ne les considèrent pas comme des vétilles, toutes les manifestations de fertilité - végétale comme animale - ayant leur entière approbation depuis la nuit des temps ! Ils peuvent même se permettre de grimper sur leurs sandales, sans le moindre risque et poursuivre leurs extravagantes cavalcades en plein air !

Si l'expression "qu'avez-vous glané" a multiplié ses extensions, lorsque j'étais enfant, j'accompagnais ma grand-mère et c'est au premier degré qu'elle nous concernait alors. Avec soin et vivacité, nous ramassions, en ces temps, tous les épis qui jonchaient le sol après la moisson, épis dont les grains de blé à maturité semblaient pressés d'échapper à leur enveloppe de paille !
Maria, la Paysanne experte, remplissait rapidement le réceptacle que formait son tablier, largement retroussé sur de longues jupes lui conférant une silhouette élégante, pour l'accomplissement de tâches qui n'en exigeaient pas tant !

Mais la petite fille qui l'accompagnait appréciait déjà tous les éléments de décor susceptibles de contribuer à l'éducation de son goût... De retour au logis, toujours promptement, tous les précieux grains étaient extirpés de leur enveloppe, pour les moudre ensuite (dans un simple petit moulin qu'elle tenait serré entre ses genoux) et les réduire en une odorante farine destinée à la confection d'un pain délicieux ! Il n'était pas sorti du four qu'il était déjà responsable d'un irrépressible péché de gourmandise car, tout chaud, nous le croquions avec délices, non sans y avoir adjoint quelques cuillérées d'une succulente gelée de cassis, confectionnée par cette même "fée du logis" qu'incarnait alors ma chère aïeule !

Et quel n'est pas encore aujourd'hui le pouvoir évocateur de ces années heureuses où nous profitions innocemment d'un savoureux et indéniable art de vivre ! Les manifestations en sont si nombreuses et si pérennes qu'elles forment toujours "contre-poids" avec l'inévitable cortège des désagréments inhérents à des temps difficiles. Telles des mauvaises herbes (à ne jamais moissonner (!), ces épreuves doivent vite renoncer à leur prétention d'alourdir les plateaux de certaine Balance narratrice... Le "bouclier protecteur" étant la combativité et l'incommensurable souci d'équilibre la gouvernant ! La devise, pour tout natif de le "Balance", traduite par : "Rien ne me pèse... ne vous en déplaise !" permet, fort heureusement, de relever quelques défis !

Pour conclure, une grande responsabilité incombe indéniablement aux motifs innombrables de craintes qui nous assaillent. Parmi ces menaces angoissantes peuvent être cités : la peur de ne pas "récolter" le produit de nos "semences", au sens propre comme au figuré ; la redoutable éventualité de perdre nos chers acquis, quelle qu'en soit la provenance ; la crainte d'un constat d'impuissance face aux événements inéluctables, etc. Ces fréquents exemples, pour ne citer qu'eux, constituent autant d'épouvantails logés - gratuitement et en permanence ceux-là - en nos esprits ! Et, pour mettre un comble au déplorable, ils n'émettent, eux, aucune sonorité séduisante, ils sont totalement inaptes à nous divertir. Leur présence est d'autant plus inopportune qu'ils ne parviennent pas à chasser les intrus, je parle de tous ces tourments qui sont une réelle menace pour notre sérénité, pour notre devenir.

Finalement, mes amis, plus enviable pourrait être le sort qui a été réservé aux fruits et aux légumes mis en scène et sur lesquels, du moins, une action salvatrice a pu s'exercer, attestant, si besoin en était encore, de l'utilité de l'épouvantail !


                                                                                                                                   Monique VAAS

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